Couverture du livre La Borne SOS 77
Entre la sortie et la porte, après les quatre voies qui s’enfoncent et avant les douze voies qui filent au nord et au sud il y a ces deux voies qui montent vers la dalle et le palais, et sous ces deux voies soutenues par cinq piliers il y a cette absence de renfoncement où j’dors, entre le deuxième et le troisième pilier.
À cause des trajectoires et de la régulation, ils ont abandonné cette langue de terre ; c’est parce que les bagnoles n’en ont pas voulu que j’ai pu m’y installer. On passe après, on s’infiltre, on devient cloporte en imitant leurs façons.
Là, au milieu des bagnoles, entre plusieurs parois de béton,
avant l’entrée du tunnel qui part sous la dalle, y’a une chose de moi. Même usée par les gaz et le bruit y’a une chose de moi qui persiste, qui dure, molle, sans forme, une chose qui s’maintient, qu’arrive à s’adapter, à supporter.
C’est pas qu’j’ai voulu v’nir là vous comprenez ?, ou que j’veux y rester, c’est autre chose. C’est pas la volonté, mais
quelque chose de moi tout de même.
Sinon t’es mort, et tous les jours y’a des coups de vent mental pour apprendre que ch’uis encore en vie. J’apprends.

– Arno Bertina, La Borne SOS 77, 2009, coll. Collatéral, avec les photographies de Ludovic Michaux.

 

En relisant en patientant, une chronique de confinement par Le Bec en l’air