Que signifie s’expatrier sinon expulser sa patrie ? La patrie Belgique, en se vidant de sa substance dans le caniveau Wallonie et dans le caniveau Flandre depuis bientôt deux siècles, n’est-ce pas plutôt elle qui expulse ses enfants ? En quelque sorte par l’absurde, les forçant à étouffer leur belgitude faute de Belgique ? Ne nous sature-t-elle pas de son mantra néfaste : “Belge, passe ton chemin, il n’y a plus rien à grappiller ici ” ? Voilà longtemps qu’on a tiré la bonde de la baignoire belge. Ce qu’il y avait de doux dans ce bain-là, la Meuse et l’Escaut l’ont charrié sans bruit vers les eaux de la mer du Nord, souvenirs alluvionnaires partis consolider les côtes d’Écosse ou de Norvège.
Quittant son pays de gré ou de force, on ne sait de quoi l’horizon sera rempli. Ni si même il le sera. Ce qu’on ne sait pas non plus c’est que, le cœur dans une terre et les pieds dans une autre, désarticulé, on ne sera plus jamais chez soi là d’où l’on est parti.
– Frédéric Lecloux, Brumes à venir, 2012, photographies et texte.
En relisant en patientant, saison 2, une chronique de reconfinement par Le Bec en l’air