Couverture du livre Algérie indépendance
Près de deux semaines plus tard, le 2 juillet 1962, j’étais dans la banlieue d’Alger très tôt le matin. Un immense nuage de poussière descendait la colline, accompagnant une multitude de garçons qui dévalaient la pente, hurlant leur joie d’être jeunes et libres. Ils voulaient être les premiers à atteindre Alger, Alger la blanche, la ville si proche et si loin de leur banlieue pauvre. Pour photographier cette course triomphale, j’ai été aidé par deux gamins, qui m’ont fait la courte échelle pour me hisser dans la benne du camion placé en tête de cortège. Le spectacle était éblouissant, les drapeaux hâtivement cousus dans la nuit se déployaient dans un désordre magnifique, chacun brandissait sa hampe le plus haut possible, et ceux qui n’avaient pas d’étendard levaient les bras en signe de victoire.
La liesse, la ferveur de la foule, son mouvement rapide, évoquaient Delacroix et sa Liberté guidant le peuple, mais aussi la beauté des révolutions… dans leurs premiers jours.

– Marc Riboud (1923-2016), Algérie indépendance, 2009, texte et photographies, avec une préface de Jean Daniel (1920-2020), et les textes de l’écrivain et poète Malek Alloula (1937-2015) et de la philosophe Seloua Luste Boulbina.

En relisant en patientant, une chronique de confinement par Le Bec en l’air