C’est ici nulle part, c’est un lieu sans rue, fait seulement de passages et d’esplanades que l’on nomme terrasses ; elles portent les noms de la guerre. C’est un pays d’immeubles droits et doux, procurant à qui s’en donne la peine d’y être un peu, d’y faire plus que passer, un étonnant sentiment de vertige horizontal où il n’est pas besoin de lever les yeux, un monde toujours déjà là. Les rues sont en contrebas, lointaines comme un enfer. Elles aussi ont été inventées, tracées à même le sable. Pour qu’on ne s’y perde pas, il fut fabriqué des rectangles de plexiglas blanc opaque, des lettres marron pour former les noms de gens morts, et du plastique transparent pour protéger du temps.
– Pierre Coutelle, D’ici, ça ne paraît pas si loin, 2018, avec les photographies du collectif Les Associés.
En relisant en patientant, une chronique de confinement par Le Bec en l’air