Couverture du livre Pigalle People

Miranda m’explique qu’elle a tout ce qu’on peut imaginer comme clients : chanteurs, vedettes de la télévision, acteurs, écrivains, grands noms du gouvernement. Elle prend cent cinquante francs, mais elle ne manque pas de leur rappeler que toutes ces femmes qui leur tournent autour seraient sacrément choquées de les voir tailler une pipe à un travesti. Les clients doivent en convenir, alors elle demande une petite rallonge. « Je sais que c’est du chantage, mais ces gars-là gagnent tellement d’argent. Une fois, je travaillais et un type me lève sur les Champs-Élysées. Il fait comme font les gens connus, il arrête sa voiture le long du trottoir et me dit par la vitre : “Suis-moi, ne te fais pas remarquer”, alors je le suis et nous allons dans un hôtel discret. Je lui fais son affaire, puis on redescend ensemble. Des policiers sont en bas de l’escalier. Il a fallu qu’ils choisissent ce moment pour boucler l’hôtel ! Ils me demandent mes papiers et puis ils remarquent que mon client porte la rosette à son revers : “Eh ben ! On dirait que tu as tiré le gros lot sur ce coup-là !” Je ne voulais pas dire qui il était, ni laisser penser que je le savais, alors j’ai juste marmonné un truc, genre que je ne fais pas attention à chaque petit détail. Mon micheton sort ses papiers – les flics ont l’air de se trouver mal, les yeux gros comme des soucoupes. Il les regarde – superbe, vraiment très cool – il les regarde et il dit : “Vous savez que je peux tout exiger de vous. Mais je vais juste vous demander votre discrétion.” Et puis il est parti. Je n’ai rien eu à payer, les flics n’ont plus jamais dérangé l’hôtel, qui depuis ce jour-là m’a laissée monter gratuitement ! »

– Jane Evelyn Atwood, Pigalle People. 1978–1979, 2018, texte et photographies.

 

En relisant en patientant, une chronique de confinement par Le Bec en l’air